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19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 12:04
Rentrée littéraire : Véronique Tadjo, En compagnie des hommes
Publié le Vendredi 18 Août 2017
Rentrée littéraire : Véronique Tadjo, En compagnie des hommes

Fin de partie. Retour de la franco-ivoirienne Véronique Tadjo, poète, romancière et auteure de livres pour la jeunesse, très incisif. Son roman, En compagnie des hommes, paru aux éditions Don Quichotte, aborde sans ménagement aucun l’épidémie d’Ebola. Une agréable surprise.

 

Parler d’un virus ou d’une maladie dans un roman n’est pas chose aisée : le voyeurisme guette. Et pourtant, l’écrivaine protéiforme Véronique Tadjo, s’en sort avec majesté ! Dans son nouveau roman, en librairie depuis ce 17 août, Véronique Tadjo revient sur Ebola, ce virus qui a décimé des milliers et des milliers d’hommes et de femmes en Afrique de l’Ouest (Liberia, Sierra-Léone, Guinée) surtout, entre 2014 et 2016.

Trois voix résonnent alors pour aborder le sujet : Baobab, parce que l’arbre est « le lien qui unit les hommes au passé, au présent et au futur incertain » ; Ebola, qui n'est pas le mal mais un organisme qui lutte pour sa survie ; et Chauve-souris, porteur sain du virus et initiatrice du dialogue. Tous évoquent le rôle et les responsabilités de l’humain dans cette tragédie.

Sujet singulier, déroulé singulier. La polyphonie est à la fois narrative et énonciative. Chacun y va de sa propre vision ; chacun livre son propre point de vue sur ces cinq lettres, Ebola. Dans ce roman, ou plutôt dans ce conte choral, où se juxtaposent comme une sorte de pavé mosaïque le sacré et le profane, le rationnel et l'irrationnel, le blanc et le noir, défilent aussi les points de vue de professionnels de santé - médecins et infirmiers, lesquels sont eux aussi confrontés à ce virus. Sans compter le côté néfaste des politiques, ces hommes et ces femmes atteints du virus de la corruption. Une à une, les phrases d’En compagnie des hommes résonnent comme des conclusions sans appel. Chacune d’elles, poétique, semble faite pour nous clouer le bec face à notre irresponsabilité. Une friandise de propositions indépendantes ou de subordonnées courtes !

Ne dit-on pas que les arbres ont toujours été là et que c’est l’homme qui les déracine pour ses intérêts voraces ? « Nous étions ici pour murmurer dans notre feuillage les secrets des quatre coins du monde. Mais les êtres humains ont détruit nos espoirs. Partout où ils se trouvent, ils s'attaquent à la forêt. Nos troncs s'écrasent dans un bruit de tonnerre. Nos racines dénudées pleurent la fin de nos rêves. » N'est-il pas vrai que les virus existent depuis la nuit des temps et qu’il appartient à l’homme de ne pas les réveiller ? « Je n'aime pas voyager. Je préfère rester au fin fond de la jungle intouchée, là où je suis le plus heureux. Sauf quand on vient me déranger. Sauf quand on vient déranger mon hôte. Car lorsque je sors brusquement de mon sommeil, je vais d'un animal à un autre. »

Née d’un père ivoirien et d’une mère française, Véronique Tadjo est une auteure hors-par. Poète, romancière et universitaire, elle vit actuellement entre Londres et Abidjan, après qu’elle a dirigé le département de français de l’Université du Witwatersrand à Johannesburg. Auteure notamment de Latérite (1984), Le Royaume aveugle (1991), de L’Ombre d’Imana : voyages jusqu’au bout du Rwanda (2001), de Reine Pokou, concerto pour un sacrifice (Grand Prix littéraire d’Afrique noire en 2005), Loin de mon père (2010), ses livres sont traduits en plusieurs langues.

Bedel Baouna 

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